Tout le monde veut consommer mais personne ne veut mourir

La conférenc23- Tout le monde 2e de Varsovie sur le climat, novembre 2013, a certainement accentué un très grand malaise chez les écologistes du monde entier, augmentant d’un cran le pressentiment d’un destin tragique pour notre humanité si rien n’est fait pour stopper les politiques nationales de surconsommation de nos ressources naturelles. Nous devons absolument regarder avec plus de lucidité cette relation de dépendance aux produits transformés de toutes sortes car nous nous dirigeons, sans l’ombre d’un doute, vers des catastrophes climatiques à répétition. Souhaitons-nous vraiment être enterrés vivants sous des tonnes de déchets pour ensuite nous entretuer pendant un ravitaillement après un cyclone généré par les changements climatiques ? Si la question est grave et qu’elle se situe à plusieurs niveaux, il semble que nous attendons beaucoup trop patiemment que tout se réorganise miraculeusement à notre avantage comme si un superhéros était pour apparaître au dernier moment et régler ce problème complexe facilement.

D’abord, il y a les grandes entreprises de ce monde, aveuglées par la performance économique et la productivité bon marché, qui choisissent volontairement l’obsolescence programmée comme modus operandi d’efficacité et de rendement. Elles se disent : « Si tout se brise systématiquement, le consommateur rachètera inévitablement de nouveaux produits et s’habituera aux nouveaux cycles de vie de plus en plus court des produits usinés dans les pays émergents ». Parallèlement, tout le monde veut stopper le gaspillage mais continue à penser qu’il faut renouveler ses appareils informatiques tous les deux ans, sinon il sera impossible de rester en communication avec le reste de la planète. La consommation, à l’échelle planétaire, est devenue, au moyen de la publicité, une activité sociale qui vise à rassembler des communautés et des groupes d’intérêts pour augmenter les ventes. La promotion de bouche à oreille étant la meilleure méthode pour se garantir de nouveaux clients, la vente dans son essence devient conviviale, sociale et relationnelle avant tout. Donc, impossible d’arrêter la consommation sans perdre…des amis.

Paradoxalement, aucun secteur d’activités ne souffre d’un manque de solutions novatrices pour créer de nouveaux produits toujours plus attrayants et supposément essentiels à la vie moderne, alors que nous manquons toujours de temps, d’énergie et de ressources financières pour mettre en place des politiques qui privilégieraient la simplicité volontaire. De plus, comme les données scientifiques montrent que le commerce équitable ne pourra effacer les empreintes écologiques laissées par le transport en camions, trains, bateaux et avions, il sera difficile d’arrêter cette mondialisation des marchés qui participent à la circulation des biens et services et qui, quotidiennement, dégradent de larges pans de notre environnement.

À l’égal des alcooliques anonymes qui doivent faire l’effort de se sortir de leur dépendance en avouant publiquement s’être égarés, le consommateur du monde entier doit cerner la source de son besoin compulsif d’améliorer coûte que coûte son standing de vie et son estime de soi par l’accumulation systématique d’objets de toutes sortes. Pour guérir de ce TOC moderne à l’échelle R (Trouble Obsessionnel Compulsif de la Récompense), il faut refuser personnellement de participer à une spirale sans fin qui nous entraine collectivement à nous valoriser et à nous récompenser constamment au moyen d’achats dont nous pourrions, en définitive, facilement nous passer. Une prise de conscience populaire s’impose pour changer de paradigme et inverser nos mauvaises habitudes. Le développement des individus devrait être directement lié non pas à leur pouvoir d’achat mais à leur implication dans la communauté pour préserver nos ressources.

Avez-vous déjà essayé de ne rien acheter de neuf pendant une semaine, voire un mois ? La première journée peut sembler facile, mais la deuxième demande de dire NON à quelque chose. Le reste du mois, vous aurez à dire OUI à une autre vision qui implique de réfléchir à l’avenir des prochaines générations. Pour trouver des solutions à la surconsommation, il faut nous mettre dans une situation qui provoquerait la découverte de cet être que nous serions sans cette préoccupation de comparer quotidiennement notre degré de richesse ou… de pauvreté avec collègues et amis. Il est clair que d’arrêter ses achats non essentiels demande d’entretenir une vision à très long terme du bien commun. La terre, l’eau, les arbres ne sont pas un immense centre commercial dont les exploitants peuvent, à leur gré, se réserver l’utilisation à des fins lucratives parce qu’un marché d’acheteurs existe où parce qu’il y a une demande ponctuelle à l’autre bout du globe.

La surconsommation est un phénomène d’entrainement mondial difficilement réversible. Notre humanité devra obligatoirement se réorganiser psychologiquement en ayant un autre point d’ancrage que l’investissement dans cette machine mange-tout du libre marché déguisé en libre-service sauvage. L’illusion de vivre à l’intérieur d’une corne d’abondance planétaire ne pourra durer éternellement. Maintenant, il ne s’agit plus de savoir qui va payer la facture, mais bien qui veut appliquer les nouveaux principes de vie responsables et donner l’exemple dans son cercle d’amis.

Michel Delage

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