La politique de «faire mourir» pour «faire vivre»
Le mâle dominant, chez certains mammifères, est celui qui est prêt à tuer ses rivaux pour garder une mainmise sur ses femelles. De ce comportement agressif, il résulte que le plus fort l’emporte toujours sur le plus faible, mettant de l’avant cette loi cruelle de la survie de l’espèce où seulement les plus combatifs auront le droit de se reproduire. Chez les êtres humains, c’est le « faire mourir » pour « faire vivre » qui persiste à travers les politiques de développement, lesquelles sont assez proches de l’instinct animal.
De tous temps, les mâles dominants de notre race ont eu accès à des armes (bâton, épée, flèche, couteau, avion de chasse, bombe, canon, mitraillette, etc.) pour se défendre et protéger leur territoire. Maintenant, il ne s’agit plus de tuer seulement les ennemis mais également leurs femmes et leurs enfants. Dans cette démonstration de force et de puissance des combattants, certains pays du Moyen-Orient et d’Afrique font mourir leur population sans discernement. Est-ce la survie de l’espèce qui dicte ce comportement de « faire mourir » leurs compatriotes ? Pourquoi est-il toujours plus important de se battre quand il est question de s’organiser pour se donner une qualité de vie ? Les migrants de la Méditerranée ne nous prouvent-ils pas l’illogisme des conflits idéologiques, où les parties en cause pourraient perdre leur vie, leur honneur et même leur descendance ?
Le passé de l’humanité est fait de ces grands hommes dont on vante la démesure sans mentionner leur problème de santé mentale ayant causé plus de torts que de bien au développement social, politique ou spirituel. Des hommes, issus de toutes les régions du globe, comme Montezuma, Gengis Khan, Caligula et, d’autres plus près de nous, comme Napoléon, Hitler, Staline et Mao Zedong, ont été des personnes importantes dans le développement de nos différentes sociétés. Mais, bizarrement, c’est la quantité de morts générée pendant leur règne qui permet d’évaluer l’influence qu’ils ont eu sur le déroulement de l’histoire. Pire, il semble ancré dans notre ADN psychique que faire mourir que ce soit des innocents ou des soldats, permet de gagner en force et en puissance dans un jeu de pouvoir, où l’objectif est toujours de construire un empire, un califat ou même une multinationale. Cette rage du mâle dominant de vouloir gagner du territoire, d’imposer sa vérité par les armes, de devenir roi et maître de son monde où seules ses lois et ses idées seront appliquées, semble la qualité recherchée pour un dirigeant, même si la preuve est faite depuis longtemps que nous revenons toujours à la polarité des dominants / dominés avec ce genre de leader.
Le désir de puissance entraine les sempiternelles exactions et génocides, avec en sus un nouveau cycle de violence, sans que nous comprenions pourquoi nous retombons dans ce même trou noir psychologique. Alors, pourquoi créons-nous ces confrontations funestes depuis que le monde des humains existe comme si elles avaient un sens profond dans notre quête identitaire ?
La même attitude s’applique dans la gestion actuelle de nos ressources alimentaires. Nous sacrifions quotidiennement l’innocence animale et végétale, sans état d’âme, sur l’autel de notre propre existence humaine, comme de vulgaires choses à manger. Se nourrir, donc survivre, nécessite d’élever des animaux pour les tuer, de vider nos lacs et rivières de leurs poissons et d’appauvrir sans cesse nos terres arables pour ne laisser que ruine et désolation à nos enfants. Les événements catastrophiques qui découlent de ces mauvaises pratiques ne devraient-ils pas nous faire réfléchir sur notre façon d’interagir avec notre patrimoine biologique ? La rage de vivre aux frais du vivant nous incite inconsciemment à dominer la nature alors que la complémentarité serait de mise.
Pourquoi glorifier les enragés, les tueurs en série, les grands meneurs d’hommes requins comme si c’était à partir de leur intensité mortifère que nous étions pour résoudre nos problèmes socio-politiques ? Au train où vont les choses actuellement, personne ne gagnera rien à faire revivre la cruauté d’Yvan le terrible, sinon créer des escalades de violences.
Faut-il constamment faire revivre les jeux de balles aztèques et les cirques romains où la vie des futurs sacrifiés ne tenait qu’au pouce levé des spectateurs ou à un signe de l’autorité suprême ? La formule César, ceux qui vont mourir te saluent est-elle encore appropriée, deux mille ans plus tard, pour signifier que nous acceptons cette politique de nous « faire mourir » à travers de nouveaux jeux de société beaucoup plus abstraits impliquant des guerres économiques qui entrainent autant l’exode de population que la destruction de communautés et de notre environnement ?
« Le spectacle de la terreur » la cyberpropagande djihadiste et son usage des médias ,
Stéphane Baillargeon, Le Devoir , 2 mai 2015
« Sous la cendre » Une série sur la destruction des juifs d’Europe
Stéphane Baillargeon, Le Devoir , 2 mai 2015