Évoluer par l’image

évoluer par l'imageLa question peut sembler naïve, mais, depuis l’affaire Charlie Hebdo avons-nous plus conscience de l’importance des images que nous véhiculons pour définir qui nous sommes ?

Les caricatures plus ou moins grotesques de Charlie Hebdo comme les vidéos de l’état islamique tranchant des gorges et détruisant leur propre culture en mettant en pièces des sculptures anciennes nous prouvent encore que l’utilisation des images pour exprimer des idées, qu’elles soient bonnes ou mauvaises, est une composante essentielle dans l’organisation de notre psyché. Les deux groupes se répondent comme un miroir grossissant, où chacun montre par l’image jusqu’où il peut aller dans son droit à l’expression afin de revendiquer haut et fort sa « façon de penser ». Bien sûr, provoquer le rire par l’absurde et la satire n’est pas comparable à provoquer l’horreur par le meurtre en direct. Par contre, il y a un dénominateur commun entre ces deux groupes qui s’affrontent dans l’arène de la morale, de la liberté d’expression et de la censure religieuse : l’utilisation de l’image.

Notre langage imagé s’enrichit de jour en jour par un nombre effarant d’icônes et de nouveaux symboles que le monde informatique invente au fur et à mesure qu’il crée de nouvelles plateformes et de nouvelles applications. L’image vidéo, quant à elle, est maintenant un mode de communication si populaire qu’elle devient presque incontournable quand il s’agit d’expliquer, de définir, de montrer, de simuler et même d’analyser une situation ou un développement social. Dans le secteur du commerce, on répète continuellement qu’il faut soigner son image de marque et travailler son image auprès de sa clientèle cible. Que ce soit l’image d’un produit, du président, de l’entreprise et de ses employés, l’image est au menu de la communication comme si elle était à la fois la source de tous les développements et la finalité de toutes les réalisations.

Si nous remontons aussi loin que la préhistoire, le souci de traduire en images une façon de vivre et de survivre remonte à plus de 35 000 ans avant J. C. Les peintures rupestres et les talismans abstraits en os d’animaux étaient des aide-mémoire visuels et ont participé à la création de notre mémoire collective. Qu’importe si nous avons la bonne interprétation ou non de ces œuvres d’art préhistoriques, elles existent d’abord et avant tout comme des témoins, à l’égal d’une série de photos instantanées, de la vie d’êtres humains ayant sacralisé en images leur façon d’imaginer la réalité. Même l’effort que ces hommes et femmes préhistoriques ont pu faire pour trouver des matériaux et une technique appropriée pour fixer ces images d’animaux sur les parois glissantes d’une grotte sombre et humide révèlent en soi la conscience aiguë de l’image comme porteuse de messages intemporels.

Nous avons sacralisé les images du passé avant même de les comprendre. Nous avons des préférences pour certaines images parce qu’elles vivent en nous ou encore parce qu’elles sont signifiantes pour notre propre culture. Nous devons reconnaître que les images sont essentielles à notre développement psychique, car elles sont des portails qui donnent un sens à la complexité de notre développement humain.

Le réflexe de mettre en images ce qu’ont essaie de comprendre de notre condition humaine est une façon de visualiser SON humanité et surtout de s’approprier SON niveau d’interprétation d’un langage qui est devenu de plus en plus abstrait avec le temps. Ce qui semble nous échapper dans des moments où il faut, malgré tout, chercher à évoluer, c’est que nous sommes des êtres se nourrissant d’abstraction pour mieux embrasser mentalement plusieurs niveaux de réalité à la fois. Et, l’image, même figurative, offre un terrain propice à un deuxième, sinon un troisième niveau d’interprétation, selon ses principes, ses croyances et les conventions de sa culture. Même s’il n’est pas facile de comprendre le langage imagé d’une autre culture ou religion, il faut quand même considérer que tous les signes et symboles sont d’origine humaine.

Ne l’oublions pas, nous sommes les seuls êtres vivants sur cette planète à utiliser des images pour communiquer, nous avons donc l’occasion d’utiliser un lieu commun « abstrait » qui pourrait nous réunir et accélérer notre évolution. L’image et sa valeur symbolique sont un fabuleux laboratoire pour organiser notre développement à des niveaux encore insoupçonnés, ce qui nous donne la chance de prendre du recul face à une réalité que l’on perçoit de plus en plus comme planétaire, voire infinie.

Créer de la poésie, saisir la dimension mathématique, entrer dans le monde subatomique, générer de nouvelles visions politiques, percer le mystère des astres et même découvrir un lien spirituel qui relierait toutes ces multiples dimensions peut certainement nous entrainer dans une dérive de sens, mais ces exercices de pensée nous rendent aussi extrêmement intelligents et connectés avec notre dimension symbolique.

Michel Delage signature_blocs_couleurs

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L’humanité possède-t-elle une bonne santé psychologique ?

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Pour que l’humanité atteigne une certaine maturité, il faut du temps et il ne faut pas que ce temps soit essentiellement dévolu à la recherche du pain quotidien. Les humains ont la chance de dépasser l’état de survie, car nous avons imaginé, et l’histoire le prouve, des milliers de solutions à des problèmes complexes autant dans le domaine de la production alimentaire, de la communication que des transports. Chaque fois, pour intégrer ces innovations, le climat social s’est adapté aux changements que cela imposait. Le train, l’avion, la télévision, l’ordinateur et le cellulaire ont bouleversé non seulement nos habitudes de vie mais notre mode de penser et, inévitablement, nos comportements psychologiques. Maintenant, ces objets sont parties prenantes de l’évolution de toutes les sociétés dans le monde et servent de dénominateur commun pour entrer plus facilement en communication. Notre imagination a réussi à dépasser les limites conceptuelles et idéologiques dans lesquelles nous étions temporairement enfermées pour nous faire découvrir comment il est possible de modifier nos modes de penser à des fins de cohésion sociale. Aujourd’hui, il est plus sensé d’essayer de comprendre le différences culturelles pour mieux vivre ensemble, de faire des échanges commerciaux avec des pays désirant profiter des nouvelles innovations et de mettre en place des politiques environnementales propices à protéger nos ressources mondiales que de s’entretuer pour un territoire, pour une croyance ou pour tirer profit du malheur des autres pays en augmentant les intérêts de leur dette nationale.

L’apprentissage d’une sagesse planétaire dirigée vers la coopération de tous les citoyens et l’arrêt complet de toute forme de guerre (sans condition) semble douloureux aux plus ambitieux, car la confrontation des plus forts est enracinée dans notre psyché comme la voie royale pour assurer la cohésion sociale et garder intacte cette idée que l’évolution est sans cesse associée à l’élimination de nos ennemis. Disons-le franchement, la guerre et ses multiples démonstrations de force créent une sorte de trou noir aspirant tout sur son passage, y compris leurs instigateurs. De même, il faut revoir cette fascination pour la vengeance et la punition divine comme une manière archaïque et dépassée d’entrer en relation pour affirmer son pouvoir.

Afin de découvrir notre extraordinaire humanité et sa capacité à se réinventer, il faut cesser d’entretenir l’idée que la bataille a encore du sens quand la planète est à feu et à sang, quand les ressources alimentaires se raréfient, quand le développement nous amène à tuer notre voisin et quand la richesse dont nous souhaitons profiter appartient uniquement à ceux et celles qui ont les moyens de la placer dans des comptes offshore. Le « bon » sens serait d’abandonner tranquillement l’idée que la confrontation à grande échelle nous permet d’évoluer.

Nous savons tous et toutes, dans notre for intérieur, comment faire la différence entre des relations gagnantes/gagnantes et celles qui nous dirigent tout droit à notre perte. Et, comme nous avons maintenant une grande facilité à partager une partie de notre vie avec des interlocuteurs de différents pays, grâce à la technologie de l’information, il serait souhaitable d’y voir une occasion d’imaginer comment les esprits belliqueux pourraient trouver du « sens » à s’entraider par delà leurs différences. Si nous utilisons notre imagination, comme nous l’avons fait pour inventer toutes sortes de nouveaux objets, nous pouvons aussi imaginer des solutions aux paradoxes et aux non-sens qui persistent dans notre façon de penser et qui entrainent tous ces actes de barbarie. Cette nouvelle révolution du sens commun devrait être axée sur la santé psychologique de l’humanité afin de nous permettre d’atteindre un nouveau stade d’évolution.

Michel Delage

  • « Le temps d’être généreux…et cohérent »     Mathieu Mireault, Le Devoir,  22 décembre 2014
  • « Le suicide plutôt que le viol pour les femmes enlevés par le groupe EI » Agence France-Presse ,  Le Devoir , 24 décembre 2014
  • « Des trésors détruits par la guerre »   Agence France-Presse,  Le Devoir, 24 décembre 2014
  • Grandeur et misère de l’esprit humain,  Éric Desrosiers, Le Devoir  4 janvier 2015

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Regarder son image dans les yeux des autres

Est-ce que 29- Regarder son image 2l’image que vous avez de vous-même est perçue de la même façon par votre environnement de travail, par vos proches ou vos parents ?

Reconnaissez-vous, dans le regard des autres, l’image que vous projetez en société?

S’exprimer est un besoin essentiel qui demande d’apprendre plusieurs types de langage en plus de véhiculer une  image de soi. Dans certains milieux où la communication est régie par des codes de conduite (l’armée, le monde juridique, le monde des affaires, la mode, etc.), il semble obligatoire de soigner son image et de pouvoir bien la connaître afin de s’affirmer dans l’environnement social choisi. Les images projetées, à l’intérieur d’un milieu de travail, sont souvent formatées par le rôle que nous acceptons, contribuant à façonner le monde dans lequel nous évoluons. Être un cadre, un subalterne ou un consultant teinte inévitablement la façon dont nous nous percevons. Pour chaque secteur d’activité, il existe des types « d’image de soi » véhiculant inévitablement des patterns comportementaux spécifiques (le guerrier, l’homme d’affaires, le mécène, l’intellectuel, le justicier, la victime, etc.). Faire la promotion de son image publique, c’est essayer de la retrouver chez les autres pour donner encore plus de sens à son effort quotidien.

Prenons, par exemple, le monde des affaires. Si l’objectif est de réussir des transactions, de sortir gagnant d’une négociation et d’investir dans des relations qui rapportent à court et à moyen termes, l’image de soi recherchée est celle d’une assurance hors de tout doute, d’une aisance à se présenter et d’une écoute sélective propice à reconnaître les occasions d’affaires. Ce milieu entretient plusieurs stéréotypes comportementaux et privilégie le mode compétitif pour recentrer la communication vers des résultats quantifiables, mesurables et comparables. Savoir s’exprimer en affaires, c’est d’abord connaître le langage de l’argent (money talk) en excluant systématiquement l’image du perdant ou de celui qui ne sait pas tirer son épingle du jeu. Les images de soi en affaires sont celles du prédateur, du dominant, du stratège, mais aussi, dans un souci d’équilibre, celles du mécène, du mentor, du sauveur et du rassembleur hors pair. Il y aurait également d’autres types « d’image de soi » qui permettaient de se réinventer dans le monde des affaires mais, malheureusement, le milieu semble  se regarder à travers le prisme de la compétition féroce dans lequel plusieurs s’engouffrent en prenant toujours les mêmes rôles.

Dans le même ordre d’idées, avec la nouvelle génération d’enfants rois, l’image de soi se confond souvent avec le regard des autres. Car, pour être roi ou reine de son milieu, il faut au moins avoir des admirateurs qui vous voient tels que vous vous voulez paraître. Les nouvelles stars d’un jour s’expriment non pas pour améliorer la qualité de leur communication ou pour enrichir un mode d’expression propice à la confidence, mais pour gagner l’approbation de leurs pairs et ainsi magnifier leur image sociale. Le dénominateur commun de ce mode d’expression : le pouvoir du moi. La préoccupation constante de son image devient ainsi le moteur de sa quête identitaire.  Il faut « prendre sa place » en s’affirmant le plus possible pour se  faire écouter et se faire valoir. La mode des Selfies en est un bon exemple, où l’on glorifie le «  je suis quelqu’un » avec le « regardez-moi » pour exister socialement. Il en résulte des vagues de photos diffusées sur les réseaux sociaux. Bizarrement, plusieurs se contentent des J’aime sur Facebook pour confirmer leur image de soi, d’une façon virtuelle, au lieu de privilégier des contacts plus directs et plus intimes pouvant remettre en question ces images de surface et surtout ce qu’elle sous-entend comme pauvreté relationnelle *. L’expression virtuelle de soi est une image instantanée qui devient une publicité égocentrique pour promouvoir ce que nous voulons que les autres admirent et non ce qu’ils pourraient découvrir sur notre véritable personnalité.

Est-il préjudiciable pour la construction de sa personnalité que l’image que les autres ont de nous ne corresponde pas à celle que nous essayons de projeter ? Pourquoi avons-nous besoin d’un catalogue d’images quand il s’agit de se représenter publiquement ? Peut-être parce que nous voulons que ces « images de soi » que nous adoptons nous regardent …

Michel Delage

* «La pauvreté relationnelle peut faire des ravages», Caroline Montpetit, Le Devoir, 15 décembre 2014

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«Faisons de la psychologie » entre nous : L’urgence de mieux se connaître

Nous 28 Faisons de la psychologie 2sommes dans un monde de spécialistes où, semble-t-il, le citoyen ne peut comprendre, faute de connaissances approfondies ou de formations scolaires appropriées, plusieurs concepts qui structurent notre société moderne. D’une façon insidieuse, une sorte d’étanchéité professionnelle s’est mise en place entre les spécialistes et les non spécialistes comme si certains domaines d’intérêt public tels que la santé, l’économie ou de la politique n’appartenaient plus qu’à ceux et celles qui possèdent un MBA ou un PH.D. Même la psychologie est réservée aux psychologues, taxant de « psychopop » toutes les formes d’approche qui ne sont pas approuvées par leur ordre professionnel. C’est à se demander si, entre nous, nous pouvons « faire de la psychologie » au quotidien sans être soi-même un psychologue, à l’exemple du citoyen qui désire « faire de la politique » sans nécessairement souhaiter devenir un politicien ou avoir un potager dans sa cour sans être agronome pour autant.

Pour ma part, je m’intéresse à la psychologie et aux troubles psychiques depuis 30 ans et, pour bien des psychologues, psychiatres et médecins spécialistes, je n’ai tout simplement aucune crédibilité, surtout si c’est pour proposer de nouvelles avenues à la santé psychologique en utilisant un jeu d’images projectives qui stimule l’imagination. Pire, une étiquette d’imposteur persiste aux yeux de ces professionnels qui m’écoutent comme si je ne pouvais absolument pas comprendre les comportements psychologiques, vu ma scolarité déficiente et mon manque de formation spécialisée. Pourtant, il y a tellement de non spécialistes qui accompagnent les déprimés et les malades mentaux, d’aidants naturels, que je ne saisis pas pourquoi on ne tient pas compte de leur expérience sous prétexte qu’ils ne sont pas encadrés par un ordre professionnel. Plus souvent qu’autrement, les gens en détresse se confient d’abord à des proches et à des collègues avant de consulter un professionnel de la santé. C’est donc dire que l’environnement social est primordial pour partager son vécu et évaluer son état de santé psychologique. Les psychologues, coachs et thérapeutes n’ont pas le monopole de l’accompagnement et il est parfois plus urgent de se sentir écouté et reconnu par un proche que de se faire analyser par un inconnu. De plus, ce n’est pas tout le monde qui a les moyens de se payer une série de consultations. Comme nous avons tous le devoir de trouver une solution à notre propre déséquilibre mental et physique et que nous sommes tous en définitive des  « amateurs » en la matière, faut-il laisser tomber toute tentative de réflexion personnelle et d’introspection sur le sujet ? La vision du médecin ou du psychologue qui sait tout et qui peut tout guérir est, depuis longtemps, un mythe auquel certains osent croire encore de peur d’être obligés de s’attarder à leur santé et surtout à leur monde intérieur. Les professionnels de la santé sont « entrainés » à analyser un problème pour le classer et faire un diagnostic. Le modus operandi est de « régler le problème », mais, parfois, le problème, beaucoup plus complexe, touche plusieurs aspects de la personne, ce qui nécessite une période de réflexion et une implication personnelle soutenues.

Étant donné que la plupart des travailleurs du monde absorbent pendant toute leur vie professionnelle un stress psychologique énorme à cause des politiques de développement économique basées sur la performance et la compétition, que les citoyens sont aux prises avec un système de santé qui valorise la médication au lieu de la prévention, ce qui les rend doublement dépendants (et parfois ignorants) de leur état maladif, ceux-ci devraient participer à la résolution des problèmes reliés au stress psychologique. Certains patrons et PDG après être  tombés au front de la course au rendement et s’être relevés, peuvent plus facilement déceler, chez leurs employés, les signes avant-coureurs de la détresse qui sévit dans leur propre entreprise. Ces mêmes décideurs sont « redescendus sur terre » au niveau du simple employé pour mieux servir d’exemple et promouvoir la compassion, l’empathie et l’écoute active comme solution de première ligne.

N’oublions pas aussi que c’est toute la population qui assume, de plus en plus, le manque d’accessibilité aux soins de santé,* que ce soit à un médecin de famille ou à un spécialiste. Dans ce cas, ne nous gênons pas pour suggérer des solutions à des problèmes récurrents et ainsi participer collectivement au processus de guérison d’une société malade de ses objectifs et de son ambition de créer toujours plus de richesse sans tenir compte des dommages collatéraux psychologiques.

Si nous continuons à concevoir le développement et la résolution de problèmes sans remettre en question les comportements psychologiques qui régissent la plupart de nos interactions et la qualité de nos relations interpersonnelles, nous allons tous continuer à gérer des problèmes plutôt qu’évoluer. Alors commençons à « faire un peu de psychologie » avec nos collègues et nos amis sans attendre qu’un psychologue nous dise comment et pourquoi le faire. Nous sommes des humains qui avons surtout besoin de contacts avec d’autres êtres humains avant de tomber dans des grilles d’analyses toute faites de professionnels.

Faisons dès maintenant de la psychologie pour mieux nous connaître et, s’il le faut, inventons une nouvelle façon de nous comprendre, différente de celle enseignée à l’université, car notre monde change rapidement et nous avons tendance à revenir trop souvent aux mêmes vieux patterns.

Nous sommes intérieurement plus forts, inventifs et intelligents que nous le croyons. Partageons donc nos réflexions avec nos proches sur notre capacité à « rebondir », sur nos difficultés et nous serons surpris des conversations positives qui en résulteront. Apprenons de nos relations avec les autres pour nous enrichir de nos expériences mutuelles et nous donner une qualité de vie communautaire.

Michel Delage

* « Et le patient, dans tout ça ? » , Diane Lamarre, Le Devoir , 20 novembre 2014

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La fragilité psychologique et le jeu 55 icônes

Un psycho27-Fragilité psychologique 2logue, chercheur à l’université, me disait qu’il ne voulait pas utiliser le jeu 55 icônes parce qu’il était certain que ce jeu allait augmenter la fragilité psychologique de ceux et celles qui l’utiliseraient. Mais qu’entend-on vraiment par fragilité psychologique ? Comment un jeu d’images projectives comme 55 icônes, dont le but est de valoriser l’imagination de son utilisateur, pourrait le fragiliser psychologiquement ?

D’entrée de jeu, la fragilité psychologique ne semble pas être une notion scientifiquement bien définie. Les spécialistes en santé parlent de fragilité psychique reliée à différentes sortes de trouble (troubles anxieux, troubles dépressifs, troubles bipolaires, troubles addictifs, etc). La personne qui vit une épreuve difficile au niveau personnel, comme après un accident grave, une peine d’amour ou un échec professionnel, pourrait accentuer son trouble et se mettre dans un état de fragilité extrême. Cette fragilité qu’elle soit d’ordre psychique (perte de sens) ou psychologique (comportementale et relationnelle) déstabilise à bien des niveaux et donne l’impression à la personne d’être incomprise par son entourage au moment où elle en a le plus besoin. Glissant tranquillement vers un mal-être, cette même personne se sent souvent démunie et dépassée par une situation qui l’oblige à redéfinir ses repères.  Il y a ceux et celles, par exemple, qui sombrent dans un isolement intérieur au point de voir leur estime de soi tomber à plat sans pouvoir y remédier, ceux qui résistent et se révoltent en étant violents pour signaler à qui voudraient l’entendre leur désarroi et ceux qui «gèlent» sur place et s’agrippent à une petite bouée que l’on appelle péjorativement routine ou « rituels » sécurisants. Il y a autant de sortes de fragilité humaine qu’il y a de personnes affligées et leur origine est multifactorielle, donc inévitablement très complexe et difficile à fixer dans des catégories. Ajoutez à cela les codes de vie, les croyances et les traits culturels et l’origine de la fragilité est encore plus difficile à cerner.

Indépendamment de la gravité du malaise vécu, on peut toujours essayer de reconnaître comment cette fragilité est imaginée et perçue par les personnes concernées. La grille d’analyse objective d’un test psychométrique, par exemple, a tendance à « mettre en boîte » l’imagination alors que la subjectivité et le monde imaginaire sont souvent au centre du trouble et influencent la capacité de la personne à trouver des solutions à une problématique à plusieurs niveaux. Il est possible d’aborder la fragilité psychique et psychologique d’une façon logique et rationnelle, mais il faut également tenir compte de l’interprétation de son malaise par celui ou celle qui le vit.

Le jeu 55 icônes donne la possibilité de représenter, d’une façon symbolique, les états d’être complexes qui nous accablent et d’aller dans notre monde imaginaire pour trouver un nouvel angle de vue. L’objectif du jeu est de jouer avec son imagination et non de jouer avec la « maladie ». En regardant une image abstraite qu’elle a choisie, la personne raconte une petite histoire en répondant à la question Que voyez-vous dans cette image ? Par la suite, selon l’histoire racontée et surtout si elle le désire, elle répondra aux questions des autres participants ou de l’animateur sur son histoire (Pourquoi le dragon est-il bleu ? Pourquoi ne voit-on que le cou du cheval dans l’image ? Etc.). Le participant ne doit pas chercher une bonne réponse mais seulement à dire ce que l’image lui inspire. C’est grâce à son interprétation de l’image choisie que la réflexion, la discussion ou l’introspection s’amorcent. Le participant peut à tout moment arrêter son histoire, cesser de parler ou réinterpréter l’image sous un autre angle s’il en a envie. Celui ou celle qui l’accompagne ne doit jamais juger l’histoire ou la comparer avec son propre vécu. Chaque histoire est unique et fait office de courroie de transmission entre la structure psychique du participant et sa réalité. Il est possible d’échanger sur le contenu de l’histoire, mais seulement après que la personne a expliqué ce qu’elle comprend elle-même de son histoire, à quoi elle peut bien correspondre dans sa vie passée, présente ou future. L’exercice a toujours pour but de laisser la personne exprimer le plus possible comment elle voit son image pour parler de son monde intérieur. Loin de la fragiliser, d’après mon expérience, plus souvent qu’autrement la personne prend plaisir à exprimer ses préoccupations en utilisant des images mentales. Par exemple, je vois un loup dans la forêt, il est dans son coin, il a faim. Il ne rencontre pas d’autres loups, il est triste, etc. ou encore la personne commence une histoire rocambolesque et la finit par « Et tout le monde meurt ». Très souvent, c’est le début de la conversation avec l’accompagnateur ou les autres participants, qui pourront lui demander pourquoi le loup est-il seul  ou pourquoi tout le monde meurt dans l’histoire alors que rien ne le présageait. L’ensemble des interactions visent toujours à aider la personne à mieux se connaître ou à mieux communiquer.

Le jeu 55 icônes est un jeu qui se joue préférablement en groupe (idéalement 8 à 15 personnes) mais aussi individuellement. La dynamique qui se forge au gré des histoires racontées est toujours surprenante. Tous les participants sont à l’écoute les uns des autres et sont intéressés de savoir ce que la personne va raconter à partir de l’image qu’elle a choisie. Personne ne se soucie de la fragilité de l’autre, puisque la participation est volontaire et qu’il n’y a pas à évaluer ou à interpréter l’histoire racontée mais seulement à la valoriser comme une façon différente de communiquer. Le jeu 55 icônes n’est pas un test, car il n’a pas l’objectif de mesurer l’état psychologique mais seulement de le traduire en images pour y avoir accès. Il est fascinant de voir que ceux et celles qui décident de parler de leur parcours difficile, de leurs erreurs de jugement ou de leur malaise se font épauler tout naturellement par les autres au moyen de réflexions et de questions qui les aident à comprendre ce qu’elle raconte. Jamais, dans aucune rencontre, il n’y a eu de l’indifférence, de la moquerie ou des confrontations de personnalité. Les images du jeu offrent une très grande marge d’interprétation, ce qui laisse le loisir aux participants de s’exprimer de la façon qu’ils le désirent. L’histoire racontée peut être drôle, bizarre, passionnante, fantasmagorique, poétique ou révélatrice d’une préoccupation, qu’importe, tout est bon et chacun apprécie comment les autres réussissent à « faire une histoire » en utilisant si peu d’information imagée (deux couleurs et une forme archétypale).

Dans un exercice minuté (en entreprise ou en pratique privée), il est préférable de définir un thème dès les premières minutes de jeu (travail, famille, relation, principes de vie, objectifs d’avenir, etc.) Il y a autant de thèmes que de situations à mettre en images et cela permet souvent de diriger les histoires racontées vers un objectif concerté. Mais, même sans thème au préalable, le jeu fonctionne bien car l’histoire racontée du participant suggère toujours un sujet à la base, et ce, autant à l’intérieur d’une animation de groupe qu’en rencontre individuelle avec un coach, un psychologue ou un responsable des ressources humaines.

La recherche d’un équilibre psychique et psychologique commence souvent par un exercice de  connaissance de soi. La fragilité psychologique de celui ou celle qui désire mieux se connaître ne relève pas uniquement du cadre médical ou diagnostique d’un spécialiste en santé. La fragilité dont on parle appartient à la personne qui la vit et ce n’est pas le fait d’en parler en utilisant son imagination qui va l’augmenter. Faciliter le partage de ses images mentales aide assurément à construire son équilibre à bien des niveaux. Tout simplement, le jeu 55 icônes vise à faire découvrir comment notre imagination peut réorganiser notre psyché et faciliter la communication dans le simple fait de s’exprimer grâce à un langage imagé à caractère abstrait capable de symboliser la complexité qui nous habite.

Michel Delage

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À lire :

Soutien psychologique chez des personnes en fragilité sociale dans le cadre d’un examen périodique de santé
http://www.cairn.info/revue-sante-publique-2009-6-page-619.htm

Fragilité psychologique et psychologie du fragile.
http://www.bdsp.ehesp.fr/Base/440743/

Faire travailler son imagination ou jouer avec son monde imaginaire ?

Au Festival26-Faire travailler son imagination 2 Juste pour Rire, en juillet dernier, je proposais de « jouer » avec sa mémoire et son imagination en utilisant le jeu 55 ICÔNES, autant en famille qu’en petit groupes d’amis, en couple qu’en solitaire. Certains adultes m’ont dit, mi sérieux, qu’ils étaient en vacances et qu’il n’était pas question pour eux de « faire travailler » leur mémoire et encore moins leur imagination. La boutade était accompagnée par cette question d’importance capitale à leurs yeux : Y a-t-il quelque chose à gagner ? Est-ce à dire que « jouer » avec son imagination demande un effort tel qu’il peut devenir douloureux, voire pénible, s’il n’y a pas de contrepartie à l’effort ? La motivation ne serait pas au rendez-vous et n’aurait pas de sens en dehors d’un cadre professionnel prédéterminé ? Pourtant, notre monde imaginaire n’a pas ses assises dans un effort physique ou intellectuel défini à l’avance.  Dans la vie de tous les jours, l’imagination humaine carbure aux perceptions de toutes sortes et fonctionne pour rassembler et ordonner les multiples informations que nous enregistrons afin de leur donner rapidement un sens. Et, parfois, nous devons réactualiser dans un contexte particulier ce monde imaginaire lié à notre réalité sociale pour que le sens trouvé soit synchronisé avec les différentes composantes de notre environnement.

En y pensant bien, il y a effectivement quelque chose à gagner en « jouant» avec son monde imaginaire, mais pas nécessairement quelque chose de tangible comme un prix ou un trophée. Faire l’exercice d’aller dans son monde imaginaire est somme toute salutaire et même souhaitable pour avoir une autre vision de la réalité, pour communiquer et pour mieux se connaître. Notre monde imaginaire reste une zone en perpétuel développement qui, à l’exemple de nos rêves, a sa logique propre et redonne du sens à ce qui semble parfois cruellement en manquer.

Faire travailler son imagination est beaucoup plus que démarrer sa machine à réflexion pour faire un feu d’artifices de nouvelles idées et résoudre des problèmes. Faire travailler son imagination est une façon de reconnaître des dimensions qui nous appartiennent, mais qui  dorment dans les oubliettes de notre inconscient, en attente d’être réactivées.  Il se peut qu’il soit plus intéressant de comprendre comment nous développons ce processus imaginatif et de regarder la réalité sous différents angles, ne serait-ce que pour se divertir et prendre plaisir à l’utiliser plus souvent.

L’étymologie du mot « travail » est un déverbal de « travailler », issu du latin populaire « tripallaire », signifiant « tourmenter, torturer avec trepallium ». Au XIIe siècle, le mot désigne aussi un tourment (psychologique) ou une souffrance physique (le travail d’accouchement) Wikipédia.

Pourrait-on dire que faire travailler son imagination serait, pour certains, une source de tourment, pouvant ressembler à une sorte d’accouchement de l’esprit ? Est-ce que sortir ses idées de sa mémoire pour les mettre dans un nouvel ordre serait pénible parce que l’exercice est influencé par les jugements et les critiques des autres ? Pourtant, notre processus imaginatif fonctionne 24 heures sur 24, même à notre insu. Il ne faudrait donc pas considérer que ce processus naturel est une sorte de torture mentale, mais bien qu’il nous aide à augmenter la qualité de notre vision de la réalité. Notre imagination déjà en fonction dans notre tête depuis la première minute de notre naissance est prête à participer au développement de nos valeurs et de nos principes de vie, intégrant nos expériences, nos introspections et l’interprétation de nos perceptions. Mais quand il faut faire travailler son processus imaginatif en faisant dévier la liberté de pensée vers des objectifs trop matérialistes, il se peut que la souffrance s’installe et que le monde imaginaire devienne une zone dangereuse et remplie de mauvaises surprises.

Comme si nous tombions dans un sommeil profond tout en restant éveillé, notre imagination nous propose diverses visions de la réalité pour réinventer l’instant présent et découvrir que notre monde peut être réinterprété en une fraction de seconde. Établir un contact avec notre monde imaginaire, c’est avoir un accès direct avec ce qui peut nous aider à évoluer. Notre développement personnel ne peut se passer de cette zone où tout est possible et où tout peut se réorganiser à la demande.

https://www.55icones.com/services/intervention-dans-les-lieux-publics/

Michel Delage

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Avez-vous des dissonances cognitives au niveau social ?

Les ur25- Dissonance 2gences des hôpitaux sont envahies par les psychotiques et les dépressifs. Les centres carcéraux ont de plus en plus de la difficulté à «accueillir» les vagues successives d’emprisonnement de forcenés vivant un déséquilibre mental. Les corps policiers se donnent des formations pour «réagir» différemment face à l’augmentation des itinérants souffrant de problèmes mentaux. Nos soldats reviennent du théâtre opérationnel avec des pensées suicidaires reliées à des chocs post-traumatiques difficilement compréhensibles pour leur famille. Sans oublier un taux effarant de réclamations en assurance maladie des travailleurs qui demandent des congés pour cause de dépression et de burn out (50% de la totalité des réclamations*). Que tout ce beau monde devienne «malade» pour différentes raisons indique que nos sociétés commencent par se dégrader avec l’augmentation du stress psychologique des individus : une nouvelle sorte de pandémie invisible à l’échelle mondiale fragilise le développement psychologique et psychique des citoyens.

Au-delà des facteurs pathologiques, nous vivons plusieurs dissonances cognitives au niveau social, c’est-à-dire des inconforts émotionnels générés par l’existence simultanée d’au moins deux cognitions qui s’excluent mutuellement **. Ces dissonances peuvent devenir le moteur de très grandes transformations, mais peuvent aussi provoquer un profond malaise conduisant à l’impasse ceux et celles qui les vivent sans y être préparer. Souvent vue comme une contradiction insurmontable, la dissonance cognitive dans certains cas nous oblige à choisir entre deux maux, deux valeurs morales, deux concepts ou deux principes de vie opposés. Elle peut créer une sorte de vide de sens qui se traduit inévitablement par la corrosion de notre équilibre mental, psychologique et psychique à bien des niveaux. Pour rétablir cet équilibre tant recherché, nous justifions nos comportements contradictoires en les rationalisant et en donnant du sens à ce qui n’a visiblement plus d’assise logique. Il faut regarder ces dissonances comme des signes avant-coureurs de malaises profonds dont le stress psychologique ne représenterait que la pointe de l’iceberg.

Voici quelques exemples de dissonances cognitives vécues dans le monde occidental.

La performance au travail :
Travailler comme un malade ou être malade de son travail ?

1- Nous travaillons dans des cadres sociaux qui ne correspondent plus au développement des individus mais aux objectifs financiers des entreprises. Plusieurs travailleurs doivent performer et augmenter les statistiques de production pour avoir accès à des primes de rendement. Sachant que nous avons une capacité personnelle maximale de travail, il se peut que nous ne puissions plus suivre ce rythme effréné et soyons obligés un jour d’arrêter de travailler pour cause d’incompatibilité avec les exigences du marché du travail. L’absentéisme et le présentéisme sont les premiers symptômes d’une difficulté à s’intégrer dans un cadre de travail où les objectifs exigent de se dépasser continuellement sans tenir compte de la quantité de stress à absorber. Paradoxalement, «gagner sa vie» nécessite souvent de perdre une partie de sa santé psychologique dans l’exercice. Faut-il continuer à performer pour se garantir un emploi malgré la dégradation de sa qualité de vie ou insister pour avoir une vie professionnelle qui ne vise pas automatiquement une performance difficile, voire impossible à atteindre à moyen terme ?

Entretenir une bonne mémoire
Être ou ne pas être dans le nuage informatique ?

2- Comme notre mémoire collective est maintenant enregistrée dans un nuage informatique, nous avons tendance à nous déresponsabiliser de la qualité de notre propre mémoire. Au fil du temps, les utilisateurs de technologies informatiques tombent dans une sorte de dépendance à la mémorisation de l’information par une machine. Nous continuons à nous départir de notre mémoire personnelle et collective, sachant pertinemment que l’engouement pour ces gadgets numériques ne sera pas à notre avantage à long terme. Le dilemme est insidieux car c’est un phénomène d’entrainement populaire à l’échelle mondiale. Entre mémoriser le moindre atome qui passe d’une façon numérique ou utiliser sa mémoire personnelle moins performante, nous choisissons le nuage informatique, ce qui entraine la dégradation de notre mémoire personnelle à petites doses et souvent à notre insu. La technologie semble plus performante au quotidien, mais elle n’est pas évolutive par elle-même, car elle a besoin d’une mémoire externe (l’être humain) pour être fonctionnelle et évoluer dans nos nouveaux cadres de communication. Nous le constatons avec nos ainés qui perdent de plus en plus leur mémoire, mais dont aucune technologie ne réussit à pallier la perte. Faut-il entretenir notre mémoire personnelle avant qu’il ne soit trop tard ou investir dans des outils technologiques toujours plus puissants au prix de devenir des handicapés cognitifs ? La mémoire humaine est-elle moins importante que celle du nuage informatique ?

Avoir une double identité nationale
Avoir une double nationalité ou adopter une identité nationale unique ?

3- Toutes les grandes villes sont cosmopolites et, avec les grandes vagues de « déplacés », que ce soit à cause d’une catastrophe environnementale, d’une crise économique ou d’une guerre civile qui n’en finit plus, plusieurs pays accueillent un nombre important de nouveaux immigrants. Que dire, par exemple, des enfants nés à Montréal d’une mère mexicaine et d’un père japonais, ont-ils un peu du Mexique et du Japon dans leur ADN ? Il est clair que le pays de naissance établit l’identité nationale de la personne, mais une certaine ambiguïté peut persister quand cette même personne privilégie l’origine des parents, surtout quand ses traits physiques indiquent un lien culturel indiscutable. Vivre plusieurs nationalités dans la même personne peut créer une dissonance cognitive au niveau identitaire dans le seul fait de devoir choisir une nationalité au profit de l’autre dans des situations où il faut se positionner pour ne pas laisser place à une ambiguïté sociale. Dans plusieurs contrées, certains groupes ethniques sont systématiquement stigmatisés et en subissent les contre-coups même s’ils habitent parfois le pays depuis plusieurs générations. Vivre une double nationalité peut être un atout dans nos sociétés multiethniques, mais peut également laisser une sorte de flottement identitaire qui ne sera pas nécessairement perçu de manière positive, autant dans son pays de naissance que dans ceux de ses parents. Vaut-il mieux afficher clairement une identité nationale ou grossir les rangs de ceux qui ont une double identité ?

Les différentes valeurs familiales
Valeur sociale traditionnelle ou structure inadaptée au développement de nos sociétés ?

4- La famille est-elle une valeur essentielle qui perpétue la tradition et les bons sentiments envers ses proches ou une structure qui n’est plus adaptée à nos nouveaux critères de développement social ? Malmenée par les médias, la famille est souvent présentée comme un lieu de conflits interpersonnels, d’abus de pouvoir et de vengeances meurtrières et non comme un îlot d’équilibre psychologique et psychique. Plusieurs parents travaillent tellement pour garder leur pouvoir d’achat et leur standing de vie qu’ils laissent leurs enfants se faire d’autres types de famille sur les réseaux sociaux et placent leurs ainés en foyer d’accueil pour qu’ils puissent profiter d’un accompagnement qu’ils sont incapables de donner à moyen et à long terme. Une certaine dissonance s’installe dans l’esprit des gens quand la famille n’est plus un milieu incubateur exemplaire mais que le désir de créer une famille nucléaire persiste. Faut-il faire l’expérience familiale même au prix de subir une séparation après seulement 3 ans de vie commune et de s’entredéchirer pour la garde de ses enfants, créant l’antipode d’un milieu évolutif ? Familles éclatées et familles reconstituées, toutes sont plus ou moins en grande transformation laissant la maxime « pour le meilleur et pour le pire » comme le reliquat d’une convention désuète qui n’a plus sa place. Les valeurs familiales ne sont pas nécessairement un gage de stabilité affective et émotive, mais rien ne peut vraiment remplacer l’idée de fonder un foyer où un père et une mère enveloppent leurs petits d’attention et d’amour inconditionnel. Faut-il réinventer la famille au lieu de la vivre comme une tradition sans tenir compte des nouveaux développements sociaux et comportementaux ?

Il y aurait encore bien d’autres types de dissonances auxquelles nous sommes confrontés, mais l’important est de retenir qu’elles se retrouvent dans toutes les cultures à différents degrés, affectant la qualité du développement social et contribuant à la vague mondiale de dépressions individuelles et collectives. Certaines situations, idéologies ou croyances religieuses peuvent diviser non seulement nos esprits mais affecter notre comportement et devenir très corrosives pour notre équilibre psychologique et psychique.

* Réclamations : Burn-out: le «fléau de l’heure» pour les entreprises

http://affaires.lapresse.ca/economie/201210/15/01-4583244-burn-out-le-fleau-de-lheure-pour-les-entreprises.php

** La dissonance cognitive

« L’unité de base de la théorie de la dissonance cognitive est la cognition, définie comme tout élément de « connaissance, opinion ou croyance sur l’environnement, sur soi-même ou sur son propre comportement » (Festinger, 1957, p. 9). Les différentes cognitions peuvent entretenir entre elles trois types de relations : la dissonance, la consonance, ou la neutralité. Deux cognitions sont dissonantes quand elles ne vont pas bien ensemble (e.g., « je fume » + « je sais que fumer tue »), consonantes quand elles vont bien ensemble (e.g., « je fume » + « j’aime fumer »), ou neutres quand elles n’ont aucun rapport (e.g., « je fume » + « il fait beau »). Selon Festinger (1957), toute relation de dissonance entre cognitions amènerait l’individu à ressentir un état d’inconfort psychologique appelé « dissonance ». Afin de dissocier conceptuellement la relation de dissonance et l’état de dissonance, Robert-Vincent Joule (1986) propose de parler de «relation d’inconsistance» (vs. consistance), et de réserver le terme de « dissonance » à l’état de dissonance (terminologie que nous adopterons dès lors). Tout comme la faim ou la soif motive l’individu à boire ou à se restaurer, l’état de dissonance serait lui-même motivant: il motiverait l’individu à réduire son inconfort psychologique.

Vaidis D. et Halimi-Falkowicz S. (2007). « La théorie de la dissonance cognitive : une théorie âgée d’un demi-siècle ». Revue électronique de Psychologie Sociale, n°1,

La dissonance, la consonance et la neutralité peuvent être associées à trois types d’interprétations liées aux exercices de projection à partir jeu 55 ICÔNES. Par exemple, si la dissonance est une interprétation qui demande de changer d’angle de vue pour essayer d’intégrer une nouvelle donnée, il est aussi possible que devant une image abstraite, l’utilisateur reste perplexe et n’y reconnaisse rien. La consonance est directement liée à la reconnaissance d’une valeur complémentaire, qu’elle soit chromatique ou symbolique. La neutralité, quant à elle, serait la cohabitation de plusieurs symboles dans le même espace mental n’ayant à priori pas de lien apparent pour l’utilisateur mais qu’il serait facile de mettre ensemble en utilisant un nouveau concept unificateur.

Michel Delage

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Nous sommes connectés à un océan d’abstractions

L’être humImage janvier 2014ain s’accroche à ses représentations symboliques et à son langage imagé parce qu’ils lui permettent de développer sa vision abstraite de la réalité au quotidien. Nos archétypes et nos symboles, utilisés par toutes les cultures, ont pour fonction de schématiser notre façon de penser.

Par exemple, la musique possède sa portée musicale qui transfère les sons en notes et codifie le rythme. La pensée mathématique a développé des axiomes et des équations comme cadres mnémotechniques afin de cristalliser ses raisonnements logiques. Les astrologues et les astronomes ont créé des cosmogrammes, des cartes du ciel et des figures emblématiques pour représenter les constellations du monde sidéral sur un seul plan, sans oublier les chimistes et les physiciens qui construisent régulièrement des modèles abstraits pour mieux visualiser l’infiniment petit et le remettre à notre échelle humaine. Le monde religieux, également, a volontairement sélectionné des formes géométriques pour miniaturiser l’essence spirituelle et la réduire en des signes particuliers.

Tous les secteurs d’activité humaine sont teintés de ces exercices de transfert où la complexité d’une situation, d’une réflexion, voire d’une vision du monde est replacée dans un cadre mnémotechnique à caractère symbolique. Le fait n’est pas banal d’autant plus qu’il date de la nuit des temps et permet de redécouvrir des formes de pensée primitive liées à des rituels dont l’objectif était et reste encore d’entrer en relation avec plus grand que soi. Même les autochtones actuels, qu’ils soient de la forêt amazonienne ou des déserts australiens, possède un langage riche en archétypes de toutes sortes afin de représenter ce qui a du sens pour leur communauté en un langage codé.

Nous évoluons tous et toutes dans un monde que nous interprétons comme physique au départ. Mais les plantes, les animaux, les montagnes et les océans cohabitent dans notre tête avec ces représentations symboliques appelés lettres, chiffres, formes géométriques, talismans porte-bonheur, graphiques, écussons, médailles et signes religieux qui semblent être la clé de voûte de nos valeurs humaines.

Nos activités sociales sont ainsi faites d’objets, de situations et d’êtres animés ayant un fort potentiel d’interprétation à double et triple échelle de valeurs, dont on peut constamment transférer le caractère concret et matériel en des représentations de plus en plus abstraites. Si notre monde de signes et de symboles est issu d’un effort imaginatif extraordinaire et d’une créativité collective sans égale, il est, par contre, un espace multi-facette où on ne sait plus toujours si l’objet symbolique porteur du message est plus important que la chose symbolisée. Heureusement, nous gardons malgré tout la mémoire des fondements philosophiques et sociaux qui animent tous ces systèmes symboliques (la culture, l’histoire, la religion, etc.).

Les  bases de notre langage appelées  archétypes sont intégrées à nos vies comme le rêve à notre sommeil et nous devons tenir compte de cette réalité pour notre évolution spirituelle. Toutes ces représentations symboliques vivent en nous, car nous sommes les seuls à en connaître la raison d’être et les seuls à saisir toute la grandeur d’évocation que cela présuppose. La pléiade de symboles que nous utilisons nous rappellent sans cesse que nous sommes des êtres structurés, réfléchis et connectés à un océan d’abstractions.

Michel Delage

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Tout le monde veut consommer mais personne ne veut mourir

La conférenc23- Tout le monde 2e de Varsovie sur le climat, novembre 2013, a certainement accentué un très grand malaise chez les écologistes du monde entier, augmentant d’un cran le pressentiment d’un destin tragique pour notre humanité si rien n’est fait pour stopper les politiques nationales de surconsommation de nos ressources naturelles. Nous devons absolument regarder avec plus de lucidité cette relation de dépendance aux produits transformés de toutes sortes car nous nous dirigeons, sans l’ombre d’un doute, vers des catastrophes climatiques à répétition. Souhaitons-nous vraiment être enterrés vivants sous des tonnes de déchets pour ensuite nous entretuer pendant un ravitaillement après un cyclone généré par les changements climatiques ? Si la question est grave et qu’elle se situe à plusieurs niveaux, il semble que nous attendons beaucoup trop patiemment que tout se réorganise miraculeusement à notre avantage comme si un superhéros était pour apparaître au dernier moment et régler ce problème complexe facilement.

D’abord, il y a les grandes entreprises de ce monde, aveuglées par la performance économique et la productivité bon marché, qui choisissent volontairement l’obsolescence programmée comme modus operandi d’efficacité et de rendement. Elles se disent : « Si tout se brise systématiquement, le consommateur rachètera inévitablement de nouveaux produits et s’habituera aux nouveaux cycles de vie de plus en plus court des produits usinés dans les pays émergents ». Parallèlement, tout le monde veut stopper le gaspillage mais continue à penser qu’il faut renouveler ses appareils informatiques tous les deux ans, sinon il sera impossible de rester en communication avec le reste de la planète. La consommation, à l’échelle planétaire, est devenue, au moyen de la publicité, une activité sociale qui vise à rassembler des communautés et des groupes d’intérêts pour augmenter les ventes. La promotion de bouche à oreille étant la meilleure méthode pour se garantir de nouveaux clients, la vente dans son essence devient conviviale, sociale et relationnelle avant tout. Donc, impossible d’arrêter la consommation sans perdre…des amis.

Paradoxalement, aucun secteur d’activités ne souffre d’un manque de solutions novatrices pour créer de nouveaux produits toujours plus attrayants et supposément essentiels à la vie moderne, alors que nous manquons toujours de temps, d’énergie et de ressources financières pour mettre en place des politiques qui privilégieraient la simplicité volontaire. De plus, comme les données scientifiques montrent que le commerce équitable ne pourra effacer les empreintes écologiques laissées par le transport en camions, trains, bateaux et avions, il sera difficile d’arrêter cette mondialisation des marchés qui participent à la circulation des biens et services et qui, quotidiennement, dégradent de larges pans de notre environnement.

À l’égal des alcooliques anonymes qui doivent faire l’effort de se sortir de leur dépendance en avouant publiquement s’être égarés, le consommateur du monde entier doit cerner la source de son besoin compulsif d’améliorer coûte que coûte son standing de vie et son estime de soi par l’accumulation systématique d’objets de toutes sortes. Pour guérir de ce TOC moderne à l’échelle R (Trouble Obsessionnel Compulsif de la Récompense), il faut refuser personnellement de participer à une spirale sans fin qui nous entraine collectivement à nous valoriser et à nous récompenser constamment au moyen d’achats dont nous pourrions, en définitive, facilement nous passer. Une prise de conscience populaire s’impose pour changer de paradigme et inverser nos mauvaises habitudes. Le développement des individus devrait être directement lié non pas à leur pouvoir d’achat mais à leur implication dans la communauté pour préserver nos ressources.

Avez-vous déjà essayé de ne rien acheter de neuf pendant une semaine, voire un mois ? La première journée peut sembler facile, mais la deuxième demande de dire NON à quelque chose. Le reste du mois, vous aurez à dire OUI à une autre vision qui implique de réfléchir à l’avenir des prochaines générations. Pour trouver des solutions à la surconsommation, il faut nous mettre dans une situation qui provoquerait la découverte de cet être que nous serions sans cette préoccupation de comparer quotidiennement notre degré de richesse ou… de pauvreté avec collègues et amis. Il est clair que d’arrêter ses achats non essentiels demande d’entretenir une vision à très long terme du bien commun. La terre, l’eau, les arbres ne sont pas un immense centre commercial dont les exploitants peuvent, à leur gré, se réserver l’utilisation à des fins lucratives parce qu’un marché d’acheteurs existe où parce qu’il y a une demande ponctuelle à l’autre bout du globe.

La surconsommation est un phénomène d’entrainement mondial difficilement réversible. Notre humanité devra obligatoirement se réorganiser psychologiquement en ayant un autre point d’ancrage que l’investissement dans cette machine mange-tout du libre marché déguisé en libre-service sauvage. L’illusion de vivre à l’intérieur d’une corne d’abondance planétaire ne pourra durer éternellement. Maintenant, il ne s’agit plus de savoir qui va payer la facture, mais bien qui veut appliquer les nouveaux principes de vie responsables et donner l’exemple dans son cercle d’amis.

Michel Delage

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Croire au symbole ou symboliser ses croyances ?

Que ce soit22- Croire aux symboles 2 dans le domaine de la science, de la religion, de la poésie, de la philosophie et même de la divination, symboliser notre pensée est primordial pour manipuler l’abstraction et jongler mentalement avec de multiples dimensions à la fois. Symboliser fait donc partie intégrante de notre processus de création du sens, et ce, depuis des centaines de milliers d’années. Par contre, il faut absolument faire une différence entre symboliser ses croyances et croire aux symboles. Si l’un permet de synthétiser la pensée humaine pour mieux se représenter une dimension complexe de la réalité, l’autre place en avant-scène un besoin de chosifier l’abstraction qui génère trop souvent des polarités transférables en une série de superstitions. En effet, l’interprétation de nos univers symboliques est susceptible de dérives, dans lesquelles les plus fragiles psychologiquement se laissent entraîner. Quand la vue d’une photo d’un porc provoque une peur panique d’avoir enfreint un code de vie ou qu’une simple forme géométrique cautionne la stigmatisation automatique d’un groupe d’individus, il y a inévitablement confusion entre la représentation symbolique et ce que nous entendons par la réalité concrète. Est-ce qu’un simple foulard peut indiquer un degré de religiosité quelconque ? Est-ce qu’un chiffre plus qu’un autre permet de garantir des gains à la loterie ? Est-ce que la perte d’un objet de culte fait disparaître automatiquement la motivation de prier ? Est-ce qu’une tête de mort sur un chandail indique inévitablement que le porteur a des idées suicidaires ? Les réponses que vous donnerez vous aideront à préciser si vous croyez aux symboles ou si vous symbolisez vos croyances.

Les croyances sont multiples dans nos sociétés modernes et les religions n’ont malheureusement pas le monopole des dérives qui les accompagnent. Un paradoxe persiste dans l’utilisation des symboles, à savoir que ceux-ci peuvent devenir automatiquement la chose symbolisée et remplacer le caractère abstrait de la représentation par une valeur concrète pour ne pas dire matérielle. Einstein se plaisait à dire que Newton avait bel et bien trouvé une formule algébrique pour manipuler la force d’attraction dont il avait compris le fonctionnement, sans cependant savoir ce qu’elle était. Mais de la dite formule, à l’époque, on n’a retenu qu’une méthode pour utiliser cette force à des fins balistiques. La force d’attraction terrestre, pendant des décennies, fut réduite à une formule algébrique, qui devint par association la force elle-même. Cette croyance au symbole, en sciences, est aussi une sorte de dérive subtile à laquelle plusieurs se laissent prendre par souci de synthèse.

Prenons également l’existence du bozon de Higgs en physique des particules. Comme la manifestation du monde subatomique est difficile à cerner dans son ensemble, on la représente au moyen de symboles. Afin de cautionner la logique du modèle standard régissant le monde particulaire, les physiciens ont multiplié les langages spécialisés (nouvelles équations mathématiques, imagerie numérique, simulation et animation graphiques). Ces différentes conventions de langage, dont le rôle est de traduire, par exemple, la trace de la particule manquante, ont augmenté la dépendance à un outillage hypercomplexe dont on ne sait plus s’il sert à détecter la manifestation du bozon de Higgs ou, en partie, s’il l’induit. La vue de ces équations, de ces graphiques comme de ces images en mouvement ne transfère pas la réalité microscopique en soi mais son interprétation à travers un modèle abstrait. Croire que le modèle des physiciens (théorie du modèle standard incluant ses principes de représentation) est le portrait fidèle de la réalité subatomique ressemble à croire aux symboles plutôt qu’à symboliser ses théories, voire ses croyances sur le sujet.

Il est fascinant de s’apercevoir comment tous les enfants, dès leur jeune âge, peuvent s’attacher à leurs poupées ou leurs camions parce qu’ils représentent leur monde imaginaire dans un processus de différenciation entre leur environnement familial et la construction de leur univers symbolique. La perte de ces jouets peut engendrer des peurs et augmenter leurs angoisses quand ces représentations symboliques ont été acceptées inconsciemment comme des composantes concrètes et réelles de leur psyché.

Si certains enfants lancent un caillou dans un trou pour en sonder la profondeur en écoutant attentivement le son qu’il fait en touchant le fond, de la même façon des adultes lancent des concepts et des idées à la fois dans leur espace mental et social pour mieux comprendre leurs interactions avec ces deux dimensions. Le caillou lancé dans le vide est l’objet qui symbolise le début de la pensée abstraite. Il serait dommage de sacraliser automatiquement ce caillou comme porteur de vérité, voire de lui octroyer un pouvoir dans le simple fait de le posséder dans nos mains et de sentir le poids de son influence sur notre psyché.

Michel Delage

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Parlez-vous de votre santé psychologique dans votre milieu de travail ?

Même si 21-Parlez-nous de votre détresse 2certaines organisations préfèrent ne consulter que des professionnels de la santé lors de formations et d’ateliers sur la santé psychologique, il serait important de proposer une alternative plus ludique aux groupes de travailleurs qui voudraient en parler dans leur milieu de travail. Si les personnes ayant un équilibre psychologique fragile éprouvent le désir d’échanger sur leur santé et leurs difficultés de parcours avec leurs collègues et amis, ils aimeraient le faire dans une ambiance qui leur permettrait d’être à l’aise. Pourquoi ne pas offrir des espaces de rencontres n’ayant à priori aucun objectif de guérison mais dont le seul but serait simplement de discuter entre adultes consentants des mêmes problèmes d’ordre psychologique générés par les mêmes pratiques de travail ? Ces rencontres pourraient, assurément, diminuer la stigmatisation des personnes qui reviennent au travail après un long congé de maladie. A l’exemple des Anges de Lac Mégantic (bénévoles qui sillonnaient la ville pour écouter la détresse des citoyens après la tragédie), nous pourrions simplifier notre approche et être plus créatifs face à une détresse en expansion, et ce, dans tous les secteurs d’activités professionnelles.

Il se peut que l’aide aux plus fragiles passe beaucoup plus par le jeu, l’entraide et l’écoute active que l’application d’une grille d’analyse psychométrique ou du DSM 5 par un professionnel de la santé dans un contexte de pratique privée. Toutes les interventions pour soutenir autant la population aux prises avec une catastrophe qu’une entreprise en période de crise et pour diminuer la détresse psychologique doivent être révisées sous l’angle de l’innovation et de la créativité. Car la consultation avec un professionnel de la santé est temporaire alors que la participation à notre milieu est une préoccupation constante à toutes les époques de notre vie active. Comme il faut toujours réintégrer un groupe de travail après une consultation avec un professionnel de la santé, la création d’espaces de discussion à caractère ludique pourrait contribuer à réinventer, au quotidien, une nouvelle façon de réfléchir en groupes sur la santé psychologique de tous et chacun.

L’approche 55 icônes propose un jeu sérieux qui permet aux personnes de tous âges de mieux se connaître grâce à des images abstraites servant de courroie de transmission pour parler de soi en groupe. Que ce soit une personne scolarisée ou non, un cadre supérieur ou un travailleur saisonnier, la santé psychologique, par exemple, peut être abordée plus simplement car les interventions des participants(es) sont transposées dans un langage imagé facilement mémorisable. Le jeu procure ainsi un terrain fertile pour dédramatiser des sujets difficiles en créant un dénominateur commun pour les échanges au moyen de 55 archétypes insérés dans l’interface du jeu.

L’approche 55 icônes vise l’expression de soi et la réflexion en groupe sur la consolidation d’équipes, la créativité et la détresse psychologique en utilisant le potentiel imaginatif des individus. Elle valorise l’imagination pour trouver des solutions et même soutenir des réflexions complexes à plusieurs niveaux. Les transformations sociales frappant de plein fouet tous les travailleurs, il faudra bien prendre le temps de discuter des malaises qu’elles occasionnent, qui perturbent constamment la cohésion des équipes et minent la bonne volonté participative en général. Il faut se forger de nouveaux points de repères capables de modifier notre perception d’une réalité trop souvent occultée par la peur d’être stigmatisé.

Michel Delage

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Voulez-vous faire l’auto évaluation de votre santé psychologique ?

 Il y a desauto-évaluation 2 centaines d’années, sinon des milliers, l’être humain était déjà préoccupé par son développement spirituel, social et psychique. Et, de tous temps, que ce soit par des croyances religieuses, des principes de vie et des connaissances intuitives de toutes sortes, il a dû faire l’effort de se comprendre, d’évaluer ses forces et ses faiblesses et trouver un sens à ses multiples interactions avec son environnement. Aujourd’hui une des préoccupations du monde du travail est la santé psychologique, intrinsèquement liée à notre développement personnel et professionnel. Nous pouvons consulter des spécialistes en santé ou répondre à des questionnaires en ligne (http://www.cogicor.com/questionnaires-en-ligne.asp) mais, au final, nous nous devons de faire régulièrement des exercices d’auto-évaluation de notre santé psychologique afin de s’initier à ces processus introspectifs. Vous cherchez une recette ? Malheureusement il n’y en a pas, tout au plus des balises pour structurer votre démarche.

 Il faut d’emblée admettre que l’être humain est complexe pour ne pas dire très compliqué et que les exercices d’auto-évaluation nécessitent de dépasser la métaphore du miroir capable de nous refléter notre image. La connaissance de soi, thème principal de l’auto-évaluation, rassemble dans une même idée un équilibre psychologique et psychique tout à la fois et non une simple image de surface. Naturellement, il ne faut pas se perdre dans un sentiment d’impuissance et être facilement dépassé par les efforts à faire pour mieux se connaître. L’important est de trouver un dénominateur commun qui puisse rassembler et non diviser les multiples réflexions et introspections liées à votre auto-évaluation. Ce dénominateur commun c’est votre personne au grand complet Vous êtes générateur de vos dépassements, de vos prises de conscience comme de votre organisation mentale. Vous êtes l’axe de votre développement malgré vos failles et la connaissance partielle de votre potentiel créatif.

 Premier constat : la santé psychologique est un idéal à atteindre et tous les efforts servent à renforcer votre estime de soi avec en premier : une compréhension plus fine de vos différents comportements.

Deuxième constat : Dans votre analyse, toutes les sortes de réflexions sont bonnes. La santé psychologique n’est pas une valeur qui doit être polarisée où il y aurait un bon côté et un mauvais côté. Un défaut peut devenir une qualité pour certain comme une erreur de jugement peut faire partie d’un comportement lié à la prudence. Donc, votre auto-évaluation sera basée sur l’intégration de tout ce qui fait partie de votre petite et grande personne sans faire de jugement au préalable. Si polarité il y a, c’est au niveau de ce que vous êtes réellement et de ce que vous souhaitez devenir. La ligne peut être mince mais elle doit être placée de façon à vous faire réfléchir sur la différence entre un fait vécu et une projection futuriste voir imaginaire.

Troisième constat : Se poser des questions est le signe d’un désir de se transformer pour devenir meilleur. Se remettre en question ne sert pas à s’auto-flageller pour se faire sentir coupable au point de tomber encore plus dans un trou sans fond. La notion de responsabilité fait figure de référence ultime. Nous sommes tous responsables de ce que nous sommes et nous devons l’accepter, car nous serons responsables de nos actions jusqu’a notre mort. Toutes nos décisions doivent être réfléchies et en accord avec notre identité profonde ou du moins avec la connaissance immédiate que nous avons de notre bagage intellectuel, affectif, émotif et sensoriel. Être responsable de soi, c’est accepter les expériences de vie qui nous ont construit au fil des années et devenir ce que nous sommes réellement et non ce que nous croyons que nous sommes.

A partir de ces trois constats :

1- Définir un idéal ou un équilibre à atteindre.

2- Faire la différence entre des faits vécus et des projections.

3- Être responsable de ses choix et ses décisions, quelle que soit la teneur, aidera à évaluer la notion même de santé psychologique. L’équilibre projeté est un concept qui a le potentiel de se manifester et de se réaliser dans la vie de tous les jours. L’auto-évaluation aide à canaliser cette manifestation.

 Tout au long de votre vie, vous avez mémorisé le pourquoi et le comment de tel ou tel comportement. Par conséquent, vous avez gardé une trace de vos angoisses et de vos moments heureux qui ont marqué les choix de votre développement. Que ce soit l’image d’un arbre représentant le pique-nique d’amoureux qui a changé le cours de votre vie, le son d’un accident mortel lié a votre comportement juvénile ou  même une phrase de détresse d’un vieillard qui vous a valu l’étiquette de  héros du village lors d’un début d’incendie, la reconnaissance et l’acceptation de vos expériences permettront une meilleur auto-évaluation de votre petite et grande personne.

 Pensez-y, tout est inscrit dans votre corps et vous pouvez faire revivre tous ces moments forts à des fins d’introspection évolutive.

 Michel Delage

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